Pour un expatrié français au Brésil, la retraite nécessite une préparation minutieuse, tant sur le plan administratif que financier. Voici un guide complet pour vous accompagner dans ces démarches.
Comprendre le cadre juridique franco-brésilien
L’accord bilatéral de sécurité sociale : un atout majeur
N’attendez pas qu’il soit trop tard pour préparer votre retraite d’ expatrié
Dominique Tissot, expert au service des expatriés du Brésil depuis plus de 20 ans.
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La convention franco-brésilienne de sécurité sociale, entrée en vigueur en 2014, constitue la pierre angulaire de votre retraite transfrontalière. Cet accord permet de coordonner les systèmes de retraite des deux pays, offrant plusieurs avantages essentiels pour les expatriés français.
Le principal bénéfice réside dans la totalisation des périodes d’assurance. Concrètement, vos années de cotisation au Brésil et en France sont additionnées pour déterminer votre droit à pension dans chaque pays. Cette disposition est particulièrement avantageuse pour atteindre le taux plein en France, qui nécessite un nombre minimal de trimestres validés.
Une évolution notable en 2025 a élargi le champ d’application de cet accord : désormais, les périodes d’assurance dans des pays tiers liés à la France et au Brésil par des conventions similaires (comme l’Inde) peuvent également être comptabilisées. Cette triangulation augmente significativement vos chances d’obtenir une retraite complète.
Toutefois, une nuance importante doit être soulignée : si la totalisation permet d’atteindre le taux plein, le montant effectif de votre pension reste calculé au prorata des périodes réellement cotisées dans chaque pays. En d’autres termes, votre pension française sera proportionnelle à vos années de travail en France, et il en va de même pour votre pension brésilienne.
La convention fiscale : éviter la double imposition
La convention fiscale franco-brésilienne de 1971, toujours en vigueur en 2025, vous protège contre la double imposition. Ce texte établit que les pensions de retraite privées versées à un résident fiscal brésilien sont imposables uniquement au Brésil, selon le barème progressif local.
Cette règle offre un avantage fiscal considérable, le système d’imposition brésilien étant généralement plus favorable que le système français. En 2025, les tranches d’imposition au Brésil s’échelonnent de 0% (pour les revenus inférieurs à 17 175 réaux, soit environ 3 183 euros) à 27,5% (pour les revenus supérieurs à 42 985 réaux, soit environ 7 952 euros). À titre comparatif, les tranches d’imposition en France démarrent à 11% et culminent à 45%.
Anticiper les démarches administratives
Constituer votre dossier de retraite depuis le Brésil
Pour un expatrié français résidant au Brésil, la demande de retraite française s’effectue exclusivement auprès de l’Instituto Nacional do Seguro Social (INSS) brésilien, qui joue le rôle d’organisme de liaison avec les caisses françaises.
Vous devez impérativement passer par la plateforme numérique « MEU INSS », accessible avec des identifiants « gov.br ». La procédure se déroule comme suit :
- Connectez-vous à votre espace personnel sur le site MEU INSS
- Sélectionnez « Novo Pedido », puis « Benefícios e Serviços de Acordos internacionais »
- Choisissez « Acordo Internacional – Solicitar Benefício Exclusivo do País Acordante »
- Joignez les documents requis en format PDF : pièce d’identité, RIB, et formulaire SE416-19 dûment complété, daté et signé
Le traitement de votre dossier prend environ 4 à 6 mois après validation par l’INSS, qui le transmet au Centre des Liaisons Européennes et Internationales de Sécurité Sociale (CLEISS) puis à la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV) en France.
Pour optimiser vos chances de succès, reconstituer préalablement votre carrière française est essentiel. Demandez votre relevé de carrière auprès de l’Assurance retraite française et vérifiez l’exactitude des informations plusieurs années avant votre départ en retraite. Cette anticipation permet de rectifier d’éventuelles erreurs ou omissions, particulièrement fréquentes dans les parcours internationaux.
Obtenir un visa de retraité au Brésil
Le visa VITEM XIV, spécifiquement conçu pour les retraités étrangers, constitue la voie d’accès privilégiée pour s’installer durablement au Brésil. Contrairement à certaines informations antérieures, l’exigence financière pour ce visa est fixée en 2025 à 2 000 dollars américains de revenu mensuel (et non 6 000 réaux comme parfois mentionné). Ce montant doit être transféré mensuellement sur un compte bancaire brésilien.
Pour constituer votre dossier de visa retraité, vous devrez fournir :
- Un passeport valide avec au moins deux pages vierges
- Un acte de naissance notarié
- Une attestation de pension d’au moins 2 000 USD mensuels
- Un casier judiciaire vierge de moins de trois mois
- Une assurance santé couvrant le territoire brésilien
Ce visa, initialement accordé pour une à deux années, est renouvelable indéfiniment et peut conduire à une résidence permanente après quatre ans. Avantage non négligeable : vous pouvez inclure jusqu’à deux personnes à charge (conjoint, enfants), sous réserve de justifier d’un supplément de 2 000 réaux (environ 460 euros) par personne et par mois.
Assurer la continuité de vos droits
La justification d’existence : une obligation simplifiée
Comme tout retraité français résidant à l’étranger, vous devez justifier annuellement de votre existence pour continuer à percevoir votre pension. Cette démarche a été considérablement modernisée depuis 2024 avec l’introduction de l’application mobile « Mon certificat de vie ».
Cette innovation technologique utilise la reconnaissance biométrique (faciale statique et dynamique) pour une procédure entièrement dématérialisée. Le processus se déroule en quatre étapes :
- Réception d’un QR code généré par vos caisses de retraite
- Installation de l’application sur un smartphone compatible (iOS ≥14.3 ou Android ≥9)
- Numérisation de votre document d’identité (passeport biométrique européen)
- Vérification biométrique avec détection de vivacité (clignements d’yeux)
Cette procédure réduit drastiquement les délais, passant de 22 jours en moyenne (méthode traditionnelle) à seulement 8 minutes. Les données biométriques sont conservées uniquement 60 jours, conformément aux exigences de la CNIL.
Si vous ne disposez pas d’un smartphone compatible ou rencontrez des difficultés techniques, la procédure traditionnelle reste disponible : vous devrez vous adresser aux autorités locales brésiliennes compétentes (cartório ou tabelião) pour obtenir une attestation d’existence. Notez que depuis 2019, les services consulaires français ne délivrent plus ces certificats.
Préserver votre couverture santé
L’accord franco-brésilien ne prévoit malheureusement aucune disposition permettant le remboursement des soins reçus au Brésil au titre de votre retraite française. Deux options principales s’offrent à vous :
La première consiste à adhérer volontairement à la Caisse des Français de l’Étranger (CFE), organisme de sécurité sociale de droit privé. Cette solution assure une continuité avec le système français et facilite vos retours temporaires en France. La CFE a réformé sa tarification en 2019, supprimant la rétroactivité des cotisations en cas d’adhésion tardive. Pour les retraités aux revenus modestes, un dispositif d’accès à la catégorie aidée existe, permettant de réduire le coût de l’adhésion. Cette demande doit être adressée au service social du Consulat français au Brésil.
La seconde option consiste à souscrire une assurance auprès d’une compagnie privée brésilienne. Cette solution peut s’avérer économiquement avantageuse, le coût des soins privés au Brésil restant modéré (consultations spécialisées entre 200 et 500 réaux, soit 37 à 93 euros). Néanmoins, assurez-vous de choisir une couverture complète incluant les hospitalisations et les pathologies chroniques.
Un point crucial à noter : si vous êtes titulaire d’une pension française rémunérant au moins 15 ans d’assurance en France et que vous n’exercez pas d’activité professionnelle, vos soins de santé peuvent être pris en charge lors de vos séjours temporaires en France. Cette disposition ne s’applique cependant qu’au pensionné et à ses enfants mineurs ; votre conjoint devra souscrire une assurance privée pour les séjours en France.
Optimiser votre situation financière
Gérer votre patrimoine transfrontalier
La gestion d’un patrimoine réparti entre la France et le Brésil nécessite une stratégie adaptée. Tout d’abord, maintenez un compte bancaire dans chaque pays : un compte français pour recevoir vos pensions françaises et un compte brésilien pour vos dépenses courantes.
Pour optimiser vos transferts internationaux, surveillez attentivement les taux de change. Le real brésilien connaît une volatilité significative face à l’euro ; la Banque centrale du Brésil prévoit d’ailleurs une dépréciation de 8% du real en 2025. Privilégiez les transferts lors des périodes favorables et envisagez des solutions spécialisées comme TransferWise ou Revolut, qui offrent souvent des frais réduits par rapport aux banques traditionnelles.
En matière immobilière, la possession d’un bien en France tout en résidant au Brésil peut engendrer des obligations déclaratives complexes. Depuis 2024, les non-résidents propriétaires d’un bien immobilier en France doivent remplir une déclaration spécifique (formulaire 2042-NR) même en l’absence de revenus locatifs.
Profiter des avantages fiscaux brésiliens
Le statut de résident fiscal brésilien vous donne accès à plusieurs avantages notables. En premier lieu, vos pensions françaises (privées) ne sont soumises ni à la CSG, ni à la CRDS, ni à la CASA, prélèvements sociaux qui pèsent lourdement sur les retraités résidant en France.
Le système fiscal brésilien offre également des seuils d’imposition généreux, avec une première tranche à 0% jusqu’à 17 175 réaux annuels (environ 3 183 euros). De plus, le Brésil ne pratique pas d’impôt sur la fortune, contrairement à la France.
Pour les investissements réalisés au Brésil, vous bénéficiez d’un régime fiscal avantageux sur les plus-values mobilières, avec un taux fixe de 15% contre un barème progressif pouvant atteindre 30% en France. Les dividendes perçus de sociétés brésiliennes sont également exonérés d’impôt pour les personnes physiques.
S’intégrer durablement dans la société brésilienne
Choisir judicieusement sa région d’installation
Le Brésil, pays-continent, offre une diversité climatique et culturelle exceptionnelle. Votre choix de résidence doit tenir compte de plusieurs facteurs :
Le Sud (Santa Catarina, Rio Grande do Sul) présente un climat tempéré et des infrastructures développées, avec une forte influence européenne. Le coût de la vie y est légèrement plus élevé que la moyenne nationale, mais reste très inférieur à celui de la France.
Le Nordeste (Bahia, Ceará) séduit par ses plages paradisiaques et son climat tropical constant. Le coût immobilier y est particulièrement attractif, mais l’accès aux soins de qualité peut nécessiter des déplacements vers les grandes métropoles.
Les grandes agglomérations (São Paulo, Rio de Janeiro) concentrent les meilleures infrastructures médicales et culturelles, au prix d’un rythme de vie plus intense et d’un coût plus élevé.
Pour les expatriés retraités, les villes moyennes comme Florianópolis, Curitiba ou Natal représentent souvent un excellent compromis entre qualité de vie, sécurité et accès aux services essentiels.
Développer son réseau social et linguistique
L’apprentissage du portugais constitue un investissement incontournable pour une intégration réussie. Contrairement à certaines idées reçues, l’espagnol ou le français ne permettent pas une communication efficace au quotidien, le portugais brésilien présentant des particularités phonétiques et lexicales importantes.
Les associations franco-brésiliennes, présentes dans les principales villes, offrent un point d’entrée précieux dans la société locale. L’Alliance Française, implantée dans 37 villes brésiliennes, propose non seulement des cours de portugais mais également des activités culturelles favorisant les rencontres interculturelles.
Le bénévolat représente également un excellent moyen de créer des liens significatifs tout en mettant votre expérience au service de la communauté. De nombreuses ONG recherchent activement des compétences européennes, notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé ou de l’environnement.
Conclusion : une préparation minutieuse pour une retraite épanouie
Préparer sa retraite au Brésil en tant qu’expatrié français nécessite une planification rigoureuse et une connaissance approfondie des cadres juridiques et administratifs des deux pays. L’accord bilatéral de sécurité sociale et la convention fiscale offrent un socle solide, mais requièrent une attention particulière aux procédures spécifiques.
Les récentes évolutions, comme la revalorisation des pensions françaises de 2,2% en 2025 ou la simplification du certificat de vie par la biométrie, améliorent considérablement la situation des retraités français au Brésil. L’exigence financière pour le visa retraité, désormais fixée à 2 000 dollars mensuels, reste accessible pour la majorité des pensionnés français.
La clé d’une transition réussie réside dans l’anticipation : entamez vos démarches administratives au moins 18 mois avant votre départ prévu, assurez-vous de la complétude de votre carrière dans les systèmes français et brésilien, et familiarisez-vous progressivement avec votre future région d’accueil.
Le Brésil, avec son coût de la vie inférieur de 50% à celui de la France, ses infrastructures en constante amélioration et sa richesse culturelle incomparable, offre un cadre de vie privilégié pour votre retraite. Moyennant une préparation adéquate, ce choix de vie peut transformer votre retraite en une aventure épanouissante sous le soleil tropical.
