En tant qu’expatrié français au Chili, votre future retraite repose sur un cadre juridique précis défini par la convention bilatérale de sécurité sociale entre les deux pays. Ce document, signé en 1999 et entré en vigueur en 2001, établit les règles qui détermineront vos droits à pension. Voici une analyse approfondie qui vous aidera à naviguer dans ce système et à optimiser votre retraite.
La convention franco-chilienne : principes et champ d’application
N’attendez pas qu’il soit trop tard pour préparer votre retraite d’ expatrié
Dominique Tissot, expert au service des expatriés du Chili depuis plus de 20 ans.
- Demandez vorte Entrentien Objectif Retraite
- 30 mn gratuites et sans emgagement
- Posez-lui toutes vos questions
Principes fondamentaux
La convention repose sur quatre principes essentiels qui structurent vos droits :
- L’égalité de traitement (article 4) : Cette disposition fondamentale garantit qu’en tant que ressortissant français au Chili, vous bénéficiez exactement des mêmes droits et êtes soumis aux mêmes obligations que les citoyens chiliens en matière de sécurité sociale. Concrètement, les organismes chiliens ne peuvent pas vous appliquer des règles différentes ou discriminatoires concernant vos droits à pension.
- La totalisation des périodes d’assurance (articles 15 et 16) : Ce mécanisme permet de cumuler vos périodes de cotisation dans les deux pays pour déterminer votre éligibilité à une pension. Par exemple, si vous avez travaillé 10 ans en France et 5 ans au Chili, et que le Chili exige 15 ans de cotisation pour ouvrir un droit à pension, vos années françaises seront prises en compte pour atteindre ce seuil. Cette disposition est particulièrement importante pour les personnes ayant des carrières partagées entre les deux pays.
- L’exportation des prestations (article 6) : Ce principe garantit que vous pouvez percevoir votre pension française au Chili et votre pension chilienne en France sans aucune réduction ni suspension liée à votre lieu de résidence. Contrairement à certains accords internationaux plus restrictifs, cette disposition assure une parfaite portabilité de vos droits acquis.
- La coopération administrative (article 34) : Les organismes de sécurité sociale des deux pays sont tenus de collaborer pour faciliter l’application de la convention. Ils échangent directement les informations nécessaires au traitement de votre dossier, vous évitant ainsi des démarches redondantes.
Champ d’application personnel
La convention s’applique spécifiquement aux personnes suivantes (article 3) :
- Les ressortissants français et chiliens, quel que soit leur lieu de résidence
- Les réfugiés et apatrides résidant en France ou au Chili
- Les personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de sécurité sociale de l’un ou des deux États
- Les membres de la famille et les survivants des personnes mentionnées ci-dessus
Cette couverture large englobe donc la quasi-totalité des situations d’expatriation entre la France et le Chili.
Champ d’application matériel
La convention couvre spécifiquement les prestations suivantes (article 2) :
Pour la France :
- L’assurance maladie et maternité
- L’assurance invalidité
- L’assurance vieillesse et survivants
- Les prestations familiales
- Les accidents du travail et maladies professionnelles
Pour le Chili :
- Les régimes de pension de vieillesse, d’invalidité et de survivants
- Le régime d’assurance maladie
- Le régime d’accidents du travail et maladies professionnelles
Fonctionnement détaillé de la retraite entre la France et le Chili
Les systèmes de retraite des deux pays
Pour comprendre pleinement vos droits, il est essentiel de saisir les différences fondamentales entre les deux systèmes :
Le système français
Le système français repose sur trois niveaux :
- Le régime de base (généralement la CNAV pour les salariés du secteur privé) : fonctionne par répartition, avec des droits exprimés en trimestres. Vous devez cumuler un certain nombre de trimestres (dépendant de votre année de naissance) pour obtenir une pension à taux plein. Le montant de la pension est calculé sur la base de votre salaire annuel moyen des 25 meilleures années.
- Les régimes complémentaires obligatoires (AGIRC-ARRCO pour les salariés du privé) : fonctionnent par points. Vos cotisations vous permettent d’acquérir des points qui sont convertis en pension lors de votre départ en retraite.
- Les dispositifs facultatifs : comme le PER (Plan d’Épargne Retraite), qui permettent de se constituer une épargne complémentaire.
Le système chilien
Le Chili a adopté en 1981 un système de retraite radicalement différent :
- Système par capitalisation individuelle : Chaque travailleur possède un compte personnel auprès d’une AFP (Administradora de Fondos de Pensiones) sur lequel sont versées ses cotisations (environ 10% du salaire). Ces fonds sont investis sur les marchés financiers et la pension future dépendra du capital accumulé et de sa rentabilité.
- Système de pension minimale garantie : Pour les personnes n’ayant pas accumulé suffisamment de capital pour une pension décente, l’État chilien garantit une pension minimale sous certaines conditions (notamment 20 ans de cotisations).
- Pension de base solidaire (PBS) : Pour les personnes n’ayant pas ou peu cotisé, un filet de sécurité existe, mais il n’est généralement pas applicable aux expatriés.
Application de la convention selon votre situation
Cas n°1 : Vous avez travaillé uniquement en France avant de vous installer au Chili
Si toute votre carrière professionnelle s’est déroulée en France avant votre expatriation au Chili, le mécanisme est relativement simple :
- Vous conservez intégralement vos droits acquis en France
- Votre pension française sera versée au Chili sans aucune réduction (article 6)
- Votre demande peut être déposée auprès de l’organisme chilien (IPS – Instituto de Previsión Social) qui la transmettra aux organismes français (article 28)
- Vous devrez fournir les justificatifs de votre carrière en France (relevés de carrière CNAV et AGIRC-ARRCO)
- Votre pension sera versée directement sur votre compte bancaire (chilien ou français selon votre choix)
Exemple chiffré : Un cadre français ayant cotisé 40 ans en France avec un salaire moyen de 45 000 € pourrait recevoir environ 1 800 € de pension mensuelle (régimes de base et complémentaires confondus). Cette somme lui sera intégralement versée au Chili.
Cas n°2 : Vous avez travaillé en France et au Chili
Cette situation, plus complexe, est précisément celle que la convention vise à faciliter :
- Vérification du droit à pension dans chaque pays selon ses propres règles :
- En France : avez-vous le nombre minimum de trimestres requis (actuellement au moins un trimestre) ?
- Au Chili : avez-vous cotisé suffisamment pour avoir droit à une pension ?
- Application du principe de totalisation si nécessaire (article 15) :
Si vous ne remplissez pas les conditions d’ouverture des droits dans un pays avec vos seules périodes d’assurance dans ce pays, on prendra en compte vos périodes d’assurance dans l’autre pays. - Calcul des pensions selon la méthode « pro rata temporis » (article 16) :
- Chaque pays calcule d’abord une pension théorique comme si toute votre carrière s’était déroulée sous sa législation
- Puis détermine la part qu’il doit réellement payer au prorata de la durée d’assurance effective dans le pays
Calcul détaillé pour la France :
- Pension théorique = Pension comme si toute la carrière s’était déroulée en France
- Pension effective = Pension théorique × (Périodes d’assurance en France ÷ Total des périodes d’assurance France + Chili)
Exemple chiffré : Supposons que vous ayez travaillé 20 ans en France et 15 ans au Chili.
- La France calculera d’abord une pension théorique pour 35 ans (par exemple 1 500 €)
- Puis déterminera votre pension effective : 1 500 € × (20 ÷ 35) = 857 €
Au Chili :
Votre pension dépendra du capital accumulé dans votre compte individuel AFP et de sa rentabilité. Elle n’est pas calculée en fonction de la durée de cotisation, mais du montant capitalisé.
Cas n°3 : Vous êtes détaché temporairement au Chili par votre employeur français
Si vous êtes envoyé temporairement au Chili par une entreprise française, la convention prévoit un régime spécifique (article 7) :
- Vous restez soumis exclusivement à la législation française pendant une période maximale de 3 ans
- Cette période peut être prolongée pour 3 années supplémentaires avec l’accord des autorités compétentes
- Vous continuez à cotiser uniquement en France pour votre retraite
- Vous êtes exempté de cotisations au système chilien sur présentation du formulaire SE 413-01 qui certifie votre maintien au régime français
Cette disposition est particulièrement avantageuse car elle vous évite une fragmentation de vos droits pour des missions de courte ou moyenne durée.
Spécificités et subtilités de la convention
Règles particulières pour les fonctionnaires
Les fonctionnaires français détachés au Chili bénéficient d’un régime particulier (article 9) :
- Ils restent soumis à la législation française pendant toute la durée de leur détachement
- Leurs pensions civiles et militaires sont intégralement exportables au Chili
- Les périodes accomplies dans la fonction publique française sont considérées comme accomplies en France pour l’ouverture des droits
Dispositions concernant les périodes de cotisation volontaire
L’article 17 de la convention précise que les périodes de cotisation volontaire (par exemple via la CFE – Caisse des Français de l’Étranger) sont prises en compte pour le calcul de votre pension, sauf si elles coïncident avec des périodes d’assurance obligatoire au Chili.
Mécanismes de revalorisation des pensions
Les pensions françaises versées au Chili continuent de bénéficier des revalorisations appliquées en France (généralement indexées sur l’inflation). De même, les pensions chiliennes versées en France suivent les règles de revalorisation chiliennes.
Démarches pratiques et stratégies d’optimisation
Constituer et maintenir un dossier complet
Pour faciliter vos futures démarches, conservez soigneusement :
- Tous vos bulletins de salaire français et chiliens
- Vos attestations d’emploi et certificats de travail
- Vos relevés de carrière français (à demander tous les 5 ans)
- Vos relevés de compte AFP chiliens (à vérifier annuellement)
- Vos numéros d’immatriculation dans les deux systèmes
Planifier votre demande de retraite
- Quand déposer votre demande ? Idéalement 6 à 12 mois avant votre date de départ prévue, compte tenu des délais de traitement internationaux.
- Où déposer votre demande ? Auprès de l’organisme de sécurité sociale du pays où vous résidez (article 28). Cette institution se chargera de transmettre votre demande à l’autre pays.
- Quels documents fournir ?
- Formulaires SE 413-05 et SE 413-06 (demande de pension)
- Pièce d’identité
- Justificatifs de carrière dans les deux pays
- Relevé d’identité bancaire
- État civil (livret de famille, acte de mariage…)
- Pour les femmes : justificatifs concernant les enfants (majoration de durée d’assurance en France)
Optimiser l’âge de départ à la retraite
Les âges légaux de départ à la retraite diffèrent entre les deux pays :
- En France : entre 62 et 67 ans selon votre année de naissance et votre durée d’assurance
- Au Chili : 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes (mais possibilité de pension anticipée sous conditions)
Stratégie d’optimisation : Vous pouvez envisager de liquider vos droits à des moments différents dans chaque pays pour maximiser votre pension globale. Par exemple, prendre votre retraite chilienne à 65 ans tout en continuant à travailler en France pour augmenter votre future pension française.
Se constituer une épargne retraite complémentaire : options détaillées
Compte tenu des incertitudes liées aux systèmes de retraite obligatoires et de la différence potentielle entre votre dernier revenu d’activité et votre pension, il est crucial de compléter vos droits par une épargne personnelle.
Solutions françaises accessibles aux expatriés
1. Le Plan d’Épargne Retraite (PER)
Le PER, créé par la loi PACTE de 2019, présente plusieurs avantages pour les expatriés :
- Déductibilité fiscale : Les versements peuvent être déduits de vos revenus imposables en France (dans la limite de plafonds) si vous restez fiscalement français
- Sortie flexible : À la retraite, vous pouvez opter pour une rente viagère et/ou un capital
- Portabilité : Vous pouvez continuer à alimenter votre PER depuis l’étranger
- Cas de déblocage anticipé : Notamment en cas d’invalidité ou d’achat de résidence principale
Exemple chiffré : Un expatrié versant 4 000 € par an sur un PER pendant 20 ans, avec un rendement moyen de 3%, se constituerait un capital d’environ 107 000 €, permettant une rente viagère d’environ 4 300 € annuels (ou un capital disponible).
2. L’assurance-vie
L’assurance-vie reste un placement privilégié pour les expatriés :
- Flexibilité des versements : Pas d’engagement sur la régularité ou le montant
- Accessibilité : Le capital reste disponible en cas de besoin
- Fiscalité avantageuse : Après 8 ans, abattement de 4 600 € (9 200 € pour un couple) sur les intérêts en cas de retrait
- Transmission optimisée : Abattements spécifiques en cas de décès (152 500 € par bénéficiaire)
Attention : Si vous devenez résident fiscal chilien, les règles fiscales chiliennes s’appliqueront à votre contrat d’assurance-vie.
3. La Caisse des Français de l’Étranger (CFE)
La CFE vous permet de rester volontairement affilié à l’assurance vieillesse française pendant votre expatriation :
- Vous continuez à valider des trimestres pour votre retraite française
- Vous maintenez vos droits au régime général français
- Les cotisations sont calculées sur une base forfaitaire que vous choisissez
Avantage clé : Cette option vous permet de maintenir une continuité parfaite dans votre carrière française, particulièrement intéressante si vous envisagez un retour en France.
Solutions chiliennes
1. Les cotisations volontaires (APV – Ahorro Previsional Voluntario)
Le système APV est l’équivalent chilien de notre épargne retraite supplémentaire :
- Avantages fiscaux : Déduction fiscale jusqu’à un certain plafond (UF 600 annuelles, soit environ 20 000 €)
- Diversité des supports : Fonds d’investissement avec différents profils de risque
- Flexibilité : Possibilité de retrait anticipé avec imposition spécifique
- Complémentarité : S’ajoute directement à votre capital retraite obligatoire
Particularité : Vous pouvez choisir entre un avantage fiscal à l’entrée (déduction des versements) ou à la sortie (exonération sur les gains).
2. Les comptes d’épargne individuels
Le Chili propose divers produits d’épargne bancaire :
- Dépôts à terme en pesos chiliens ou en UF (unité de compte indexée sur l’inflation)
- Comptes d’épargne avec accès aux marchés financiers locaux et internationaux
- Fonds mutuels gérés par les institutions financières chiliennes
Point fort : Les produits en UF offrent une protection contre l’inflation, particulièrement appréciable dans un contexte d’expatriation long terme.
3. L’investissement immobilier
Le marché immobilier chilien présente des opportunités intéressantes :
- Rendements locatifs moyens de 4 à 6% bruts dans les grandes villes
- Stabilité relative du marché immobilier chilien
- Possibilité d’acquérir des biens en UF (protection contre l’inflation)
- Diversification patrimoniale entre la France et le Chili
Stratégie mixte : Certains expatriés conservent leur bien immobilier en France (loué) tout en acquérant leur résidence au Chili, créant ainsi une double source de revenus/patrimoine pour la retraite.
Élaborer une stratégie d’épargne retraite optimale
La meilleure approche consiste généralement à diversifier vos placements :
- Phase d’accumulation active (plus de 10 ans avant la retraite) :
- Cotisations volontaires au système chilien (APV)
- Versements sur un PER français si vous restez fiscalement français
- Constitution d’un patrimoine immobilier
- Phase de pré-retraite (5-10 ans avant la retraite) :
- Sécurisation progressive d’une partie du capital
- Diversification géographique des placements (France/Chili/International)
- Planification fiscale en fonction de votre lieu prévu de résidence à la retraite
- Phase de retraite :
- Organisation de versements réguliers depuis vos différentes sources d’épargne
- Gestion fiscale optimisée entre la France et le Chili
- Maintien d’une partie du capital dans des placements productifs
Conseil essentiel : Faites-vous accompagner par un conseiller spécialisé en gestion de patrimoine international, idéalement familier des contextes français et chilien.
Conclusion
La convention de sécurité sociale entre la France et le Chili constitue un cadre protecteur et structurant pour votre retraite en tant qu’expatrié. Elle garantit la reconnaissance de vos droits acquis dans les deux pays et facilite l’articulation entre deux systèmes fondamentalement différents.
Cependant, pour assurer une retraite confortable, cette base légale doit impérativement être complétée par une stratégie d’épargne personnelle adaptée à votre profil et à vos objectifs. La combinaison des mécanismes obligatoires et facultatifs, français et chiliens, vous permettra de maintenir votre niveau de vie à la retraite, que vous choisissiez de la passer sous le soleil chilien, en France, ou en alternant entre les deux pays.
Plus vous anticipez et planifiez votre retraite tôt, plus vous vous donnez de chances de profiter pleinement de cette étape de vie. N’hésitez pas à consulter régulièrement des experts (conseillers retraite de la CNAV, spécialistes de la CFE, conseillers en gestion de patrimoine) pour adapter votre stratégie aux évolutions législatives et à votre situation personnelle.